Fernand Planche

Être anarchiste

(1934)

 


 

Note

Une déclaration passionnante de ce que veut dire être anarchiste.

 


 

Être anarchiste, c’est avant tout être bon ; c’est penser, c’est rêver, c’est discuter sans sectarisme.

C’est haïr tout ce qui fait souffrir, pleurer, mourir.

C’est concevoir et expliquer les choses clairement, simplement, sans peur des conséquences, comme sans espoir d’un profit.

C’est rejeter tout ce qui est laid, mesquin, inhumain, servile, docile.

C’est se rapprocher de tout ce qui est beau, bon, fier, juste, ami de la Liberté et de la Vérité.

C’est suivre une route toute droite, sans se laisser distraire par les menaces, ni par les injures, ni par les appels à la trahison.

C’est, secourable, se pencher sur les douleurs de ses semblables ; lutteur, marcher à la tête des révoltés; penseur, entrevoir l’aube d’un jour meilleur.

C’est chérir l’amante, guider les pas chancelants de l’enfant, vénérez la vieillesse, entraider tout autour de soi.

C’est n’être borné par aucun horizon, aucune frontière ; vouloir être le frère de tous les humains, sans se soucier des races, langues ou couleurs.

C’est gravir les monts, courir les plaines, livrer son corps à la pureté du ruisseau, aux rayons bienfaisants du soleil.

C’est savourer les beaux fruits mûrs, mordre à celui plus beau encore de l’amour ; se faire des animaux une deuxième famille, fidèle, aimante, caressante.

C’est vivre intensément sans préjugés, sans respect de coutumes désuètes, des envies, des rancœurs, des haines ; vivre deux vies, c’est vivre deux fois.

* * *

Combien qui crurent être anarchistes, mais furent aveuglés par l’éblouissante vision. A ceux-là, l’égoïsme banal reprenant le dessus, une sinécure alimentaire et factice termina le beau rêve entrevu, ils n’étaient pas faits pour ce rêve fantastique, porter cet apostolat.

Mais combien aussi furent anarchistes sans le savoir, tous les noms qui, à la suite d’une vie de courage, de bonté, de révolte, de générosité, ont laissé un souvenir dans l’histoire, étaient dignes de notre nom, et aussi les obscurs qui luttèrent, souffrir, moururent, pour que l’humanité avance.

Va, ami, toi qui me lis et est peut-être hésitant, n’hésite plus, la plus belle des causes s’offre à toi.

Lis, réfléchis, observe, discute, analyse, comprend, et lance-toi dans la mêlée, les satisfactions compenseront largement les peines et au soir de ta vie, avant que tes yeux ne se ferment à jamais, lorsque en un instant le film de ton existence se déroulera en une trop brève rétrospective, aucun souci ne viendra obscurcir ton front, aucun regret ne ternira tes lèvres, si ce n’est le regret du rêve interrompu et terminé pour toi.

 


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