Note
Charles de Brouckère (1796-1860) homme politique belge de tendences libérales. A partir de 1848 jusqu'à sa mort il fut le maire de Bruxelles. Il a été l'auteur d'un texte d'économie portant le titre Principes Généraux d'Économie Politique (1851) auquel de Puydt fair référence dans son essai. Peu avant sa mort il écrit cette brève recension en faisant l'éloge du texte de de Puydt pour la clarté et simplicité de sa proposition sur la concurrence entre gouvernements.
Source: L’Économiste Belge, Organe des Intérêts de l’Industrie et du Commerce (4 Août 1860, N° 31, Sixième Année), pg. 503.
L’économie politique enseigne que la concurrence est le meilleur et même l’unique moyen d’obtenir constamment les objets de consommation de la meilleure qualité et au moindre prix. C’est une des vérités les mieux démontrées de la science, et chaque application qui en est faite lui donne une éclatante confirmation.
Aussi, ces applications de la vérité scientifique deviennent-elles chaque jour plus nombreuses, mais, par une inconcevable aberration, la denrée la plus utile de toutes, celle qui est aussi nécessaire au maintien du corps social que le pain l’est à la conservation de la vie humaine, la sécurité, échappe, en tous lieux, à l’influence bienfaisante et régulatrice de la concurrence, sa fabrication demeurant partout l’objet du monopole le plus absolu auquel le consommateur ne peut échapper que par les ressources extrêmes de l’émigration, de la révolte ou de la mort.
M. P.-E. de Puydt, plus connu jusqu’ici par de charmantes et spirituelles publications littéraires que par des travaux d’économie politique, vient de publier dans la Revue Trimestrielle, sous le nom de “Panarchie” un aperçu d’un système qui aurait l’avantage de soumettre l’industrie productive de la sécurité, autrement dit les gouvernements, à une concurrence aussi complète que l’est en ce moment celle que se font les fabricants de tissus, par exemple, dans un pays de libre-échange, et cela sans avoir recours à des révolutions, à des barricades, ni même au moindre acte de violence.
Si la société adoptait le système proposé par M. de Puydt, chaque citoyen pourrait changer de gouvernement au moins aussi facilement qu’un locataire change d’appartement meublé dans une grande ville; car il lui suffirait pour cela de s’engager, pour un an seulement, à suivre les lois du gouvernement de son choix et d’en défrayer les dépenses dans des proportions débattues à l’avance. Au bout de cette année d’épreuve, le citoyen serait libre de s’abonner, pour sa consommation de sécurité et d’autres services publics, à l’établissement qui produit ces choses de la manière la plus conforme à ses goûts et pour la somme qu’il désire consacrer à cette dépense.
Comment l’auteur est parvenu à résoudre, avec une simplicité vraiment merveilleuse, le problème du meilleur et du plus économique des gouvernements, agité depuis des siècles par les plus fortes têtes, y compris Aristote, Platon, J. J. Rousseau, comment il expose son système avec clarté dans un style constamment exempt de cette sécheresse qui rebute si souvent les lecteurs des ouvrages d’économie politique, avec de fines railleries sur les défauts des gouvernements actuels; comment l’auteur prévoit et réfute toutes les objections que l’on peut opposer à son système, c’est ce que nous ne pourrons nous arrêter à décrire, car cela dépasserait les limites assignées à cet article, et surtout cela diminuerait le plaisir que le lecteur trouvera en prenant connaissance par lui-même de l’opuscule de M. de Puydt.
En effet, tous ceux qui s’intéressent à la propagation des saines idées économiques, liront avec intérêt ce coup d’essai déjà si remarquable, et qui promet un habile champion de plus à la cause du laissez-faire, laissez-passer, c’est-à-dire à l’une des manifestations les plus larges et les plus fécondes des grands principes de JUSTICE ET DE LIBERTÉ.