Auberon Herbert

Sur le volontarisme

(1885)

 


 

Note

Auberon Herbert (1838-1906) a été un ardent défenseur de la philosophie morale connue sous le nom de Volontarisme (Voluntaryism), basée sur les principes de non-agression et de libre choix.
Dans l'extrait suivant, l'auteur présente les traits principaux de la philosophie et de la pratique du volontarisme. L'essence de l'idée est que "chaque être humain ne demande qu'à être laissé libre de construire sa propre vie à sa manière, laissant à son tour à son voisin la même liberté....".
Ce n'est que lorsque l'État volontaire prend la place de l'État autoritaire, que "les êtres humains peuvent fraterniser et travailler pour le bien commun; tandis que, sous l'État autoritaire, tout travail social est gâché par les impositions de ceux qui commandent et par l'assujettissement de ceux qui obéissent."

Source: Auberon Herbert, The Right and Wrong of Compulsion by the State, 1885.

 


 

Le but du volontariste
                                                                                                              
Quel est le travail du volontariste ? Il s’agit de détruire l'amour du pouvoir; de détruire autant en lui-même que chez ses semblables le désir d'imposer des opinions ou des intérêts - quels qu'ils soient - aux autres; de se contenter d’être maître de soi-même et pas chef des autres; de renforcer la conviction dans les armes morales de la raison, du débat et de l'exemple ; de supporter patiemment de nombreux maux plutôt que d'affaiblir continuellement le principe d’être soi-même et celui de l'autodétermination; et de vivre dans la conviction qu'il n'y a pas de mal qui ne puisse être vaincu par le courage et la résolution, pas d'échec moral auquel on ne puisse remédier, sauf l’échec moral de renoncer à la maîtrise de soi-même et à l’autodétermination. Abandonner son être, c'est devenir corrompu et servile en esprit, et pour les serviles et les corrompus, il n'y a pas de grandes choses possibles. Vous ne pouvez pas sculpter dans du bois pourri ; vous ne pouvez pas conduire à la grandeur ceux qui ont renoncé à l'essence de leur propre virilité ou féminité.

Que le volontariste prêche avec audace la doctrine d’être soi-même partout dans le monde. Qu'il cherche à persuader le socialiste qu'il n'a pas le droit d'offrir du réconfort et des avantages au prix du sacrifice de la liberté personnelle; qu'il est vain d'essayer de détruire une forme de servitude en en créant une autre à sa place; qu'il persuade le capitaliste que toute richesse, fondée sur un privilège quelconque ou faveur étatique et opposée au libre-échange, est une richesse prise par force aux autres et repose sur des fondations mauvaises ou injustes; qu'il persuade les membres de toutes les Églises qu'il s'agit d'une parodie et d'une moquerie de leur propre croyance - à juste titre et simplement comprise - d'attaquer tout type de mal moral par des punitions étatiques; que toutes ces persécutions sont en conflit direct avec les principes du Sermon sur la montagne et que les chrétiens, surtout les hommes, sont tenus à se battre avec les armes de la raison, de la discussion et de la persuasion; qu'il cherche à persuader tous les êtres humains, riches ou pauvres, employeurs ou employés, individus de ce pays ou d'autres pays, que l'organisation de toute forme de force matérielle des uns contre les autres est un gâchis de sa vie stérile et pitoyable - qu'une victoire acquise sur des corps et esprits peu disposés est une défaite et non une victoire; que dans la paix, la coopération amicale, dans une expérimentation sans limites, une différenciation constante, une tolérance presque illimitée en ce qui concerne les actes des autres, le libre-échange dans toutes les directions, la mobilité accrue, la vie et la protection personnelle, la suppression des charges et services obligatoires, l'abandon du pouvoir maléfique d'hypothéquer les facultés des générations futures par la génération actuelle, l'abandon des grandes motivations politiques qui amènent les individus à lutter les uns contre les autres, motivations à se faire la guerre qui doivent exister aussi longtemps que chaque homme désire posséder le pouvoir pour lui-même et redoute de le voir dans les mains de son prochain, et enfin dans la parfaite sécurité des personnes et des biens, afin que les conditions d'un effort réussi soient reconnues comme constantes et persistantes - ce sont là les véritables mots d'ordre du progrès, auxquels il est de notre devoir, en présence de toute tentation, d'être fidèles. Résumons en quelques mots ce qu'est le volontarisme :

Le volontarisme est le conciliateur des différences.

C'est le système de liberté, de paix et d'amitié.

Dans le cadre du volontarisme, l'État n'emploie la force que pour repousser la force - pour protéger la personne et les biens de l'individu contre la violence et la fraude; dans le cadre du volontarisme, l'État défendrait les droits à la liberté, jamais ne les agresserait.

Le volontariste participe en tant qu’individu et n'appartient à aucune faction.

Le volontariste ne persécute personne et, ne restreint personne, ni ne règlemente personne, sauf pour défendre son être.

Il refuse d'imposer les opinions ou les intérêts d'une partie du peuple à une autre partie.

Il refuse de se battre pour toute vision morale avec les armes immorales de la force.

Le volontariste ne contraint à aucun service, ne confisque aucun bien, ne prend aucun paiement obligatoire.

Le volontariste refuse d'être l'instrument d’une partie d'un pays qui place le pouvoir de l'État au-dessus des droits de l'individu.

Le volontariste s'oppose à tous les privilèges, monopoles et restrictions et cherche à laisser les personnes libres de décider de leur propre vie dans un monde libre.

Le volontariste proteste contre toute forme de salut par la force.

Le volontariste pense que des sommes énormes sont gaspillées chaque année pour construire les grandes machines de l'État pour gouverner par la force; le volontariste croit que si les facultés humaines étaient universellement libérées, si les être humains étaient émancipés des fardeaux de la fiscalité et de l'ingérence officielle, et s'ils décidaient un jour de ne pas lutter pour le pouvoir, un nouveau monde de paix, d'amitié et de prospérité prendrait la place du monde actuel, ravagé par les jalousies et la haine, et attristé  par de nombreuses souffrances inutiles.

 

Principes de l'Etat Volontaire

1. Reconnaître en tous points et circonstances la personne de l'homme et de la femme et leur plein droit de diriger leurs facultés et d'utiliser leurs propres biens (dans la limite de la non-agression par la force ou la fraude sur les autres) comme bon leur semble.

2. Reconnaître que l'État ne devrait imposer aucun service et n'exiger aucun paiement par la force, mais qu'il devrait dépendre entièrement des services volontaires et des paiements volontaires.

    a. Que l’Etat devrait être libre de mener de nombreuses actions utiles, en matière d'éducation, d'hygiène, de secours, d'assurances, d'affaires postales, de commerce, d'inspection de bâtiments, de machines, etc. et bien d'autres, mais qu'il devrait le faire en concurrence avec tous les organismes bénévoles, sans recours à la force, en fonction de paiements volontaires et avec le consentement des intéressés, simplement comme leur ami et leur conseiller;

    b. Que l’Etat ne devrait utiliser la force que pour limiter la violence du meurtrier, du voleur et des personnes violentes, ainsi que certaines formes grossières de fraude - garantissant ainsi la propriété de l'individu en le protégeant quant à sa personne et ses biens;

    c. Que l’Etat ne devrait prendre aucun bien d'aucune sorte d'un citoyen par la force; ni réglementer aucune partie de sa vie; ni interférer avec l'exercice de ses facultés par la force (quand il n’y a pas d’agression); ni chercher à obtenir aucun but moral par la force.

3. Se débarrasser de toute dette publique, centrale ou locale, en vendant et hypothéquant les biens publics et en organisant un grand système de contribution volontaire - certains jours de l'année étant spécialement observés comme des jours fériés pour la collecte des recettes volontaires, locales et centrales.

4. Étendre les défenses volontaires du pays et les placer sur une base beaucoup plus large et plus permanente que celle sur laquelle elles reposent aujourd'hui; dépendre en temps de guerre comme en temps de paix uniquement de contributions volontaires; et renoncer absolument au tort flagrant de contraindre ceux qui sont opposés à la guerre à lui apporter leur soutien.

5. Sans abandonner dans la panique tout devoir envers ceux qui nous sont liés ou qui dépendent de nous dans d'autres pays, faire avancer la résolution pacifique et amicale de toutes les questions extérieures non réglées, alléger les responsabilités, renoncer résolument à une politique agressive et compréhensive, et chercher à établir des accords amicaux internationaux concernant toutes les questions litigieuses.

6. En supprimant ainsi tous les fardeaux, toutes les restrictions et interférences avec les activités personnelles, en réduisant le bureaucratisme, en se débarrassant de l'ingérence malicieuse du politicien dans la propriété privée et de ses allèchements constants envers le peuple, trop souvent au nom de son propre avancement, en détruisant la rivalité insouciante des partis politiques pour la domination des territoires et le pouvoir, et en créant progressivement le libre-échange en tout, pour permettre le libre développement non seulement des capacités presque infinies et des ressources intellectuelles possédées par chaque nation intelligente, mais aussi de l'amitié et du désir naturel de toutes les classes à travailler ensemble à des fins communes. Par ces méthodes, on peut donner au monde un exemple du bonheur et de la prospérité atteignables par toutes les nations de la même manière, où le droit naturel de chacun de diriger ses propres facultés et de gérer ses propres biens selon ses propres désirs, et non à la demande des autres, est universellement respecté, et où toutes les entreprises et tous les services sont fondés sur la persuasion réciproque, et pas sur la force.

 


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