Gian Piero de Bellis

A propos de la Panarchie
(Brève histoire et manière de voir)

(2009)

 



Présentation


Brève histoire

A l’origine
Le développement
Les autres répercussions
La situation actuelle


Manière de voir

Ce qu’est la Panarchie
Ce que n’est pas la Panarchie
Comment la Panarchie pourrait-elle percer
Ce que pourraient être les panarchies


Sommaire

 


 

Présentation (^)


Au cours des mois et des années à venir, il est fort probable que la théorie scientifique éminemment pragmatique appelée Panarchie suscitera l’intérêt d’un grand nombre aux quatre coins du monde, parce qu’elle est d’une simplicité frappante, d’une beauté fascinante, et qu’elle peut être appliquée universellement.

Il convient donc d’expliquer la naissance et le développement de cette théorie, et de clarifier ses principes de base et ses différents aspects essentiels. Tout cela semble nécessaire étant donné l’évolution habituelle des courants de pensée, qui sont déformés et mal interprétés au fur et à mesure que leur popularité va croissant.

Ce qui vous est proposé ici, c’est une brève histoire de la Panarchie, et une manière personnelle de voir ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas.

 


 

Brève Histoire (^)

 

À l’origine (^)

Le mot « Panarchie » (du latin Panarchia) semble avoir été utilisé pour la première fois par un philosophe cosmopolite France Patric (Franciscus Patricius), né en 1529 dans l’île de Cherso, ou Cres, au large des côtes de la Dalmatie, et mort à Rome en 1597. Dans son traité « Nova de universis philosophia » (« Nouvelle Philosophie à propos des Univers ») publié en 1591 (et réédité avec quelques modifications en 1593), il présente en quatre parties (« Panaugie », « Panarchie », « Pampsychie », « Pancosmie ») une vision du monde selon laquelle l’univers, la nature et le savoir forment un tout invisible. Cette approche explique la récurrence du préfixe « pan », qui en grec veut dire « entier », « global ».
http://plato.stanford.edu/entries/patrizi/
http://www.istrianet.org/istria/illustri/patrizi/schiffler.htm

Cependant il faut attendre trois siècles avant qu'un homme de lettres et de sciences, le botaniste Paul Emile de Puydt, emploie le terme Panarchie avec le sens que nous proposons d’examiner dans les lignes qui suivent.

En 1860, Paul Emile de Puydt publia à Bruxelles, dans la Revue Trimestrielle, un article fondateur intitulé PANARCHIE, dans lequel il appliqua aux relations sociales et politiques le schéma de la compétitivité utilisée dans la sphère économique (laissez-faire, laissez-passer), directement inspiré de la théorie et de la pratique de l’économie.

Selon de Puydt, plusieurs gouvernements, librement choisis par leurs électeurs, peuvent coexister côte à côte sur un même territoire, et pourvoir, plus efficacement et à un moindre coût, à tous ces services qui sont aujourd’hui dispensés (le plus souvent au prix fort et pour un rendement moindre) par un État-nation qui en a le monopole.

D’après cette conception de la Panarchie, la disparition de tout monopole politique et le droit de choisir librement entre plusieurs gouvernements concurrents constituent des facteurs décisifs - pour ne pas dire indispensables - en vue d’obtenir des services sociaux moins coûteux et de meilleure qualité.
Paul Emile de Puydt, Panarchie
http://www.panarchy.org/depuydt/1860.fr.html

Si de Puydt reste le premier auteur des temps modernes à utiliser le terme de Panarchie, Gustave de Molinari, économiste de tradition libérale classique et éditeur du Journal des économistes de 1881 à 1909, est le premier à proposer par écrit la notion de gouvernements en compétition.

Dans un essai publié en Octobre 1849, il explique qu’il est convaincu que la sécurité est un service qui, comme tous les autres, peut-être fourni par des organismes que les individus choisissent en toute liberté, en mettant en concurrence la qualité de leurs performances (calculée en termes d’engagements et de résultats).

Gustave de Molinari, De la production de la sécurité
http://www.panarchy.org/molinari/securite.html

Dans un livre intitulé Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (1849), consistant en une série de conversations entre trois individus d’opinions différentes (un conservateur, un socialiste et un économiste), Gustave de Molinari, qui joue le rôle de l’économiste, s’était déjà exprimé en faveur de l’introduction de « gouvernements libres » c’est-à-dire de « gouvernements dont on peut accepter ou refuser les services selon son libre arbitre » (Onzième Soirée).

Il se base sur le raisonnement suivant: avec la fin du monopole de l’État et l’essor de la compétition, le prix des services (et surtout celui de la sécurité) « serait toujours réduit au niveau des coûts de production », car « chaque individu s’engagerait auprès de l’organisme qui lui inspirerait le plus confiance et dont les conditions lui sembleraient les plus favorables. »

Gustave de Molinari, Les Soirées de la Rue Saint-Lazare (Onzième Soirée)
http://www.panarchy.org/molinari/11.html


Malheureusement, la diffusion de cette théorie, pourtant remarquablement pragmatique et tout à fait sensée, n’a pas été couronnée de succès (pour employer un doux euphémisme). D’une part, elle va contre les intérêts matériels d’une couche sociale parasite mais influente et toujours en expansion: la fourmilière des fonctionnaires d’Etat. D’autre part, cette théorie s’oppose à une idée fermement ancrée dans les mentalités, après des siècles d’un féodalisme qui promeut le territorialisme: un territoire, un maître.

C’est pourquoi cette idée est restée sans suite: elle n’a donné lieu à aucun débat théorique ni à aucune expérimentation pratique, et cela parce que les socialistes-étatistes et les conservateurs-étatistes ont été à la tête des décisions politiques. Pendant plus d’un siècle, la théorie panarchiste est restée oubliée, à une notable exception près.

En 1909, Max Nettlau, historien de l’Anarchie, rédigea un article publié par Der Sozialist, édité à Berlin par Gustav Landauer, intitulé: Panarchie. Eine verstollene Idee von 1860 (« Panarchie - une idée oubliée de 1860 »). Dès la première phrase, Nettlau manifeste son enthousiasme pour la coexistence de gouvernements concurrents: « depuis longtemps, je me dis qu’il serait fantastique que l’opinion publique envisage politiciens et institutions non plus comme devant fatidiquement 'se succéder  les uns aux autres' mais, de façon si simple et si évidente , 'coexister simultanément.' ».

Dans la suite de l’article, Nettlau fait part au lecteur de sa découverte du texte de de Puydt et avoue « être tombé amoureux du concept » d’une « TOLERANCE MUTUELLE en matière politique et sociale » que l’on rencontrerait au sein de gouvernements qui ne seraient pas liés à un territoire, mais auxquels chacun adhérerait librement, et que l’on soutiendrait selon son bon vouloir.

Max Nettlau, Panarchie. Une idée oubliée de 1860
http://www.panarchy.org/nettlau/1909.fr.html

L’article de Nettlau fut réédité en 1920 à Berlin, dans le journal Der Individulistische Anarchist (« L’Anarchisme Individualiste »), par Benedikt Lachman. Cependant, en dehors de ce regain d’intérêt, le texte n’a pas suscité d’autre attention ni diffusion, même pas dans les cercles anarchistes.


Le Développement (^)

La belle proposition d’Auguste de Molinari et de Paul Emile de Puydt, soutenue avec enthousiasme par Max Nettlau, serait peut-être restée un joyau oublié si Kurt Zube et surtout son fils John Zube ne l’avaient remise à jour.

En 1977, Kurt Zube, sous le pseudonyme de K.H.Z.Solneman, publia  Le Manifeste de la Paix et de la Liberté, où le concept de Panarchie est présenté et commenté en des termes très élogieux (voir en particulier le chapitre 5).

K. H. Z. Solneman, The Manifesto of Peace and Freedom
http://www.panarchy.org/solneman/manifesto.index.html

Cependant, c’est son fils John Zube qui a été le meilleur et le plus acharné défenseur de la Panarchie, dans une série d’essais et de livres, écrits surtout à partir de 1964 et publiés dans ses nombreux Peace Plans ("Plans pour la Paix").

Parmi tous ces courts textes, on peut accorder une attention particulière à une série de notes intitulées « Sur la Tolérance » (1982).

John Zube, On Tolerance
http://www.panarchy.org/zube/tolerance.1982.html

Dans ces notes, le concept de base de la Panarchie, à savoir « la tolérance pour toutes les façons tolérantes de vivre  », est défini de la manière la plus convaincante et rationnelle qui soit. Vie sociale et vie privée sont vues comme une seule et même expérience de l’existence, au cours de laquelle chacun tire des leçons de ses échecs, de ses succès, et de ceux des autres; ce qui permet à chacun de se développer et de progresser. Sans ce droit à l’expérimentation, nous sommes privés d’une des conditions fondamentales pour mener une vie humaine, enrichissante, et digne d’être vécue.

En d’autres termes, la Panarchie préconise la tolérance la plus totale et la pleine liberté d’expérimentation, tout au long de la vie, partout et pour tous.

Dans un autre petit texte, « L’Évangile de la Panarchie » (1986),

John Zube, The Gospel of Panarchy
http://www.panarchy.org/zube/gospel.1986.html

John Zube définit la Panarchie comme

« le moyen de réaliser autant de communautés autonomes que leurs adhérents le souhaitent, toutes coexistant sans revendiquer un territoire qui leur soit propre, côte à côte et entremêlées comme le sont les membres qui les composent ; situées sur un même territoire ou éparpillées sur toute la surface du globe, et pourtant séparées les unes des autres par des lois, une administration et une juridiction qui leur sont propres, exactement comme les différentes Églises dans un même territoire sont (ou devraient être) indépendantes les unes des autres. »

Sous l’influence et l’inspiration, directes ou indirectes, de John Zube, d’autres auteurs ont commencé à écrire sur la Panarchie.

En 2005, un économiste suédois, Richard CB Jonhsson, rédigea deux essais sur le concept de la gouvernance non-territoriale, principal objectif de la Panarchie: la fin du territorialisme ou du monopole de l’État-nation, et l’émergence de gouvernements en compétition ou de plusieurs sortes de gouvernances au sein d’un même territoire.

Le premier essai, « Gouvernance Non-territoriale: héritage oublié de l’humanité », est un survol de l‘histoire de ce concept, basé surtout sur la thèse de doctorat de Shih Shun Liu intitulé Extraterritorialité, de la naissance au déclin. (1925)

Richard CB Johnsson, Non-Territorial Governance - Mankind’s Forgotten Legacy
http://www.panarchy.org/johnsson/review.2005.html

Le second texte, intitulé Au Monopolisateur de tous les Partis, est une version condensée du premier essai et a été publié pour la première fois (février 2005) sur le site web de Lew Rockwell.

Richard CB Johnsson, To the Monopolist of All Parties
http://www.lewrockwell.com/orig5/johnsson3.html


Plus récemment, Michael Rozeff, professeur d’économie à l’Université de Buffalo (New York), est devenu un ardent défenseur de la Panarchie, grâce à une série d’essais parus tout d’abord sur le site web Lew Rockwell, et ensuite publiés sur d'autres sites.

Michael Rozeff, A foundation for Panarchy (Juillet 2008)
http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff210.html

Michael Rozeff, Why Government Should Be Voluntarily Chosen (Janvier 2009)
http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff252.html

Michael Rozeff, Why I Am a Panarchist (Janvier 2009)
http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff260.html

Michael Rozeff, Liberty in the Choice of Governance (Février 2009)
http://www.lewrockwell.com/rozeff/rozeff271.html

Comme supplément aux textes de John Zube et en rapport direct avec les essais de Gustave de Molinari et de de Puydt, les articles de Michael Rozeff constituent une très bonne présentation de la théorie et de la pratique de la Panarchie.

Les autres répercussions (^)

Alors que les auteurs cités jusqu’ici (à l’exception de Gustave de Molinari) emploient le terme de Panarchie, de nombreux autres écrivains n’y font pas allusion; cependant leurs écrits présentent des affinités avec le concept de Panarchie, caractérisé par l’a-territorialisme (gouvernements non-territoriaux) et le multi-gouvernementalisme (gouvernements en compétition).

Dans un essai sur la liberté et la taxation,

Benjamin Tucker, Liberty and Taxation
http://www.panarchy.org/tucker/taxation.html

publié dans le magazine Liberty (1881-1908), Benjamin Tucker se fait le défenseur des «  impôts volontaires »:

« Il est parfaitement exact que les impôts volontaires n’empêcheraient pas l’existence de cinq ou six ‘États’ en Angleterre, et que les membres de ces cinq ou six ‘États’ pourraient vivre dans la même maison… » « Mais qu’est-ce que cela peut faire ? Il y a bien plus de cinq ou six Églises en Angleterre ; et il n’est pas rare que les membres d’une même famille contractent des assurances sur la vie, contre les accidents ou les incendies, dans plusieurs compagnies. Est-ce que cela a déjà nui à personne? »

Ici, Tucker surmonte les différences entre l’anarchie et la Panarchie en soulignant ce qu’elles ont en commun: la promotion de la liberté de choisir, le volontarisme, la tolérance.

On peut en dire autant à propos de Voltairine de Cleyre. Dans son essai, intitulé Anarchisme,

Voltairine de Cleyre, Anarchism (1901)
http://www.panarchy.org/voltairine/anarchism.html

elle rejette toutes les prises de positions bornées des différentes écoles de pensées, même au sein du mouvement anarchiste, et proclame son adhésion à tous les types de conception anarchiste et leur mise en pratique (anarchisme individuel, anarchisme mutualiste, anarchisme communiste, anarchisme socialiste), à condition qu’il s’agisse toujours d’une option choisie en toute liberté par ses adeptes. A cet égard, il y a des similarités frappantes entre l’anarchisme de Voltairine de Cleyre et le panarchisme de de Puydt. Tous deux sont pour la coexistence de différentes doctrines et de différentes manières d’organiser la société, à condition que toutes soient librement choisies et mises en pratique par leurs adhérents et qu’elles ne soient pas imposées à qui que ce soit (dans la plupart des cas, sur le prétexte absurde que c’est pour le bien du peuple).

Comme l’écrit Voltairine de Cleyre dans la dernière phrase de son article, « chacun choisit la méthode qui exprime le mieux son individualité, et ne condamne pas les autres parce qu’ils expriment la leur différemment. »
Malheureusement, les autres anarchistes, (si l’on excepte le cas remarquable mais unique de Max Nettlau, mentionné plus haut), n’ont pas manifesté un grand intérêt pour cette approche.


C’est un groupe de penseurs, les Austro-marxistes (voir: Tom Bottomore et Patrick Goode, eds., Austro-marxisme, Clarendon Press, Oxford, 1978), qui a élaboré une proposition originale non dénuée d’affinités avec la Panarchie et qui aurait pu représenter la première ébauche d’une organisation Panarchiste de la société. Entre la fin du 19e et le début du 20e siècle, Karl Renner et Otto Bauer, tous deux originaires du brasseur de nationalités qu’est l’empire Austro-hongrois, ont développé des théories de fédéralisme non-territorial. Leur proposition dissocie du territoire une série de besoins et de fonctions, individuelles et sociales (culture, éducation, justice), et assigne directement leur administration aux membres de différents groupes nationaux, indépendamment de leur localisation sur le territoire. De plus, ils soulignent le fait que faire partie d’un groupe national est un choix personnel, basé sur des motifs qui ne sont valables que pour un seul individu et pour personne d’autre.

Ce qui manque dans ce type de fédéralisme non-territorial, c’est l’idée, présente dans la théorie Panarchiste, de retirer au gouvernement le monopole du pouvoir, y compris dans la sphère politique et économique (inclus la gestion de la monnaie); ainsi que le droit de choisir son gouvernement pour ce qu’il vaut, c'est-à-dire pour sa capacité à fournir des services et à satisfaire ses clients.

Néanmoins, le développement du Panarchisme aurait été considérablement facilité si ce qu’on peut appeler l’école autrichienne du fédéralisme non-territorial était parvenue à d’importantes percées et à une véritable adhésion du peuple, au lieu d’être anéantie par l’explosion du nationalisme qui est à l’origine de deux guerres mondiales et de la disparition du multiculturalisme de l’empire austro-hongrois.

Quelques juifs d’Europe centrale et de Russie avaient également développé une approche cosmopolite de l’organisation sociale dans laquelle les juifs (et toutes les autres minorités dépourvues d’un État propre) seraient libres d’organiser leur communauté au sein de l’État-nation dans lequel ils vivent.

Le génocide national socialiste, ainsi que les persécutions et les exterminations du communisme stalinien, ont non seulement anéanti les personnes qui soutenaient ces idées, mais elles ont aussi effacé jusqu’au souvenir du fait que ces idées aient existé.

Les gens, aveuglés par la conviction de la nécessité du monopole du pouvoir par l’État territorial, participent soit activement (en édictant les lois), soit passivement (en les subissant), à cet effort pour se débarrasser des éléments « indésirables » et des idées « qui dérangent », qui ne correspondent pas aux revendications du groupe dominant ou majoritaire.

Pendant des décennies, l’existence d’un État-nation territorial central a été considérée comme un état des choses destiné à durer pour toujours, comme l’aboutissement même de l’histoire de l’humanité.


Cependant, l’Histoire n’est pas figée. De nouvelles idées et de nouvelles aspirations finissent toujours par émerger quelque part, et elles ne sont bien souvent que des redécouvertes d’anciennes théories.

En Janvier 1962, un article a été publié dans The Register, à Santa Ana en Californie (USA), qui prônait le renversement de la démocratie de la majorité (dans laquelle « les majorités prennent des décisions qui entravent la liberté des autres »), et le début de la Démocratie avec un petit « d », grâce à laquelle chacun peut être gouverné par le gouvernement pour lequel il a voté.

Anonyme, Démocratie avec un petit « d »
http://www.panarchy.org/anonymous/democracy.1962.htlm

Tout comme de Puydt s’est inspiré du système libéral des entreprises concurrentes pour bâtir son modèle de gouvernements en compétition, l’auteur de cet article compare sa proposition au choix de différentes marques d’un produit. L’idée d’être obligé de consommer la marque choisie par la majorité serait très difficile à accepter, et pourtant c’est exactement ce qui se passe pour les décisions sociales sous la démocratie de la majorité.

Comme l’auteur le dit très bien : « le concept de représentation est surtout un concept de délégation. Quelqu’un doit agir pour vous. Mais comment quelqu’un peut-il agir pour vous s’il est entièrement impliqué dans des actions qui sont contraires à votre propre intérêt ? Penser qu’il vous représente parce que d’autres l’ont choisi, c’est croire un mensonge. »


Cet auteur anonyme n’était pas le seul à défendre ce genre d’idées aux États-Unis pendant cette période. Entre 1969 et 1977, un californien, sous le pseudonyme de « Le Grand E. Day », développa le concept de multi-gouvernementalisme, à travers plusieurs textes qu’on peut classer entre les sciences sociales et la science fiction. Le Grand E. Day y propose de remplacer le mal-nommé « contrat social », censé être le fondement même des États-nation démocratiques, par des « contrats individuels », grâce auxquels «  chaque individu a le droit de choisir son propre gouvernement, indépendamment de son lieu d’habitation, tout comme il peut librement choisir son propre style de vie, sa religion, sa compagnie d’assurance, sa voiture, etc., etc. » (L’incident de Northridge)

Le Grand E. Day, The Northridge Incident
http://www.panarchy.org/day/northridge.htlm

Cependant, dans son optique, l’État en tant que territoire n’est pas absolument aboli: il subsiste pour assurer certaines fonctions qui, selon lui, nécessitent une délimitation géographique (c’est-à-dire un territoire), telles que la protection et la sécurité. Par conséquent, pour ces services bien précis, il n’y aurait « qu’un seul gouvernement pour chaque territoire (autrement dit pour chaque unité territoriale locale de la surface du globe). Pour lui, « on peut séparer les services liés à une unité territoriale (généralement du domaine de la protection), des autres services (généralement en rapport avec les volontés des hommes) qui ne sont en aucun cas liés à un espace géographique précis. Cette scission donne à chaque individu le droit de choisir les services qui relèvent des décisions humaines, ce qui revient dans la pratique à choisir son propre gouvernement. » (The Northridge Incident)


Par le passé, Gustave de Molinari (De la Production de la Sécurité, 1849)

Gustave de Molinari, De la Production de la Sécurité
http://www.panarchy.org/molinari/securite.html

ainsi que, plus récemment, Hans Hermann Hoppe (La Production Privée de la Défense, 1998)

Hans Hermann Hoppe, The Private Production of Defense
http://www.mises.org/journals/scholar/Hoppe.pdf

pour ne citer qu’eux parmi beaucoup d’autres, avaient déjà débarrassé le camp du mythe selon lequel, pour que les individus qui occupent un territoire soient en sécurité, il faut qu’un État unique monopolise les moyens de défense.

Néanmoins, ce point précis mis à part, les propositions de Le Grand E. Day développées dans deux autres textes

Le Grand E. Day, The Theory of Multigovernment (1969-1977)
http://www.panarchy.org/day/multigovernment.1977.html

Le Grand E. Day, A Letter from the Future (1975)
http://www.panarchy.org/day/letter.1975.html

constituent une approche enrichissante et stimulante du concept de Panarchie.

La situation actuelle (^)

Ces derniers temps, pendant une longue période, les seuls écrits concernant la Panarchie furent ceux de John Zube. Puis, vers la fin du 20e et le début du 21e siècle, on a vu apparaître plusieurs essais qui, sans utiliser le terme précis de Panarchie, étaient néanmoins en accord avec le concept de gouvernance non territoriale.

En 1993, Roderick T. Long a commencé à imaginer une organisation sociale basée sur des Cantons non plus géographiques, mais Virtuels.

Roderick T. Long, Virtual Cantons
http://www.panarchy.org/rodericklong/virtualcantons.html

Dans l’essai qui défend cette idée, il prône la dispersion totale du pouvoir (« décentralisez, décentralisez, décentralisez ! ») ainsi que la naissance du non-territorialisme (« séparez les juridictions politiques de leur localisation géographique ») de façon à ce que « chacun puisse changer de juridiction politique sans avoir à changer de lieu de résidence. »

Si la politique ne se résumait pas au dogmatisme et à l’opportunisme, il y a longtemps que les Cantons Virtuels auraient pu être mis à l’essai, surtout si l’on pense au fait que les techniques de communication instantanée et des relations sociales à longue distance sont déjà à l’origine de nombreuses communautés virtuelles, bien qu’encore dénuées de pouvoir substantiel.


En 1999, le Dr Aviezer Tucker, à l’époque chercheur à l’Académie Tchèque des Sciences de Prague , rédigea un article pour le journal Utopian Studies, de l’université d’Alaska à Anchorage (hiver 1999). Dans cet essai particulièrement enrichissant, il se focalise sur ce qu’il appelle « la conspiration territoriale », une idée reçue qui veut que l’existence de l’État ne soit possible qu’à condition d’un monopole de la souveraineté territoriale (à partir du postulat suivant: pas de territoire sans État et pas d’État sans territoire).

Aviezer Tucker, The Best States: Beyond the Territorial Fallacy, Utopian Studies, Winter 1999
http://www.panarchy.org/aviezer/territorialfallacy.html

Le Dr Tucker démantèle cette idée reçue en soulignant que, si l’on examine le sens propre des mots, on s’aperçoit que le plus souvent, « l’État est au service des citoyens, et non pas aux commandes d’un territoire ». En d’autres termes, « les États sont [donc] fondés sur des contrats sociaux, et non sur une hypothétique souveraineté; ils sont au service de leurs citoyens, et non détenteurs du monopole de l’usage de la violence sur un territoire. »

Il n’y a qu’un pas - celui d’une démarche logique de cause à effet - entre ces réflexions très concrètes, et la proposition Panarchiste, c'est-à-dire la mise en place de gouvernements non territoriaux, en compétition les uns avec les autres, pour fournir des services à des consommateurs qui les choisissent librement. Et comme n’importe quel contrat passé avec une compagnie, le contrat social signé avec un gouvernement particulier « n’est ni hypothétique ni illusoire, mais au contraire explicite, actuel, volontaire et réversible. »

Il s’agit ici d’une des meilleurs définitions de la Panarchie, même si l’auteur n’a jamais employé ce terme et qu’il ignorait peut-être jusqu’à l’existence même de Paul Emile de Puydt et de son texte fondateur.


En 2001, Bruno Frey, professeur à l’Institut pour les Recherches Économiques Empiriques de l’université de Zurich, condense dans son essai intitulé « La gouvernance sans monopole territorial, une utopie ? »

Bruno Frey, A Utopia? Government without Territorial Monopoly
http://www.panarchy.org/frey/utopia.2001.html

sa vision des Juridictions Compétitives, Simultanées et Pragmatiques (JCSP), déjà formulée dans ses précédents articles (1995 et 1996).

Cette thèse s’appuie sur des exemples historiques (comme l’organisation marchande non délimitée géographiquement baptisée La Hansa) et actuels (comme la Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, la ICANN), qui prouvent la viabilité de la gouvernance non territoriale.

Comme le constate l’auteur dans sa conclusion, « les Juridictions Compétitives, Simultanées et Pragmatiques sont en rupture totale avec l’idée préconçue qu’un gouvernement doit avoir le monopole d’un territoire bien défini, mais la proposition qui est ici faite est loin d’être utopique. Les événements historiques prouvent bien qu’elle est réalisable, et cette possibilité est rendue encore plus tangible aujourd’hui grâce à la récente émergence de gouvernements virtuels. »


Le même point de vue était défendu par Gene Callahan dans un discours prononcé lors de la 9e Conférence sur la Pensée Economique de l'Ecole Autrichienne, le 13 mars 2003.

Gene Callahan, The Right to Walk Away
http://www.mises.org/story/1185 or
http://www.panarchy.org/callahan/walkaway.2003.html

Ce que Callahan défend, c’est l’idée que « chacun devrait pouvoir quitter une association civique sans avoir à changer de situation géographique. »

La proposition de Callahan, fondée sur la défense du libre arbitre de chaque individu, est en parfait accord avec la pensée Panarchiste, et sur une page de son blog « Crash Landing », il déclare clairement qu’il adhère à la philosophie Panarchiste (2007).

Gene Callahan, Crash Landing
http://gene-callahan.blogspot.com/2007/11/panarchy-in-uk.html


Si l’on considère que la Panarchie s’oppose à toutes les formes de territorialisme (c'est-à-dire de monopole de la souveraineté sur un territoire), il est important de souligner que, dans cette optique précise, il y a eu récemment une résurgence de la défense du fédéralisme non territorial, grâce à l’action de l’école autrichienne mentionnée plus haut. Parmi ceux qui sont actuellement en train de défendre et de promouvoir cette résurgence, on trouve un Français, professeur de droit et président de l’Association pour les Droits des Minorités, situé à Paris

Yves Plasseraud, Choose Your Own nationality (2000)
http://www.panarchy.org/plasseraud/choice.html

ainsi qu’un Allemand travaillant au Sri Lanka comme représentant de la fondation Friedrich Ebert.

Dietmar Kneitschel, Federalism and Non-Territorial Minorities (2004)
http://www.panarchy.org/kneitschel/federalism.html

Leurs idées sont utiles à la promotion de la pensée Panarchiste, car leurs textes s’appuient à la fois sur des exemples historiques (l’empire austro-hongrois multi-nationaliste, les Juifs cosmopolites) et sur la réalité contemporaine (Bosnie, Sri Lanka). Et il est indéniable que le rapprochement entre la gouvernance non-territoriale et des exemples bien concrets, ne peut que contribuer à rendre l’idée de renoncer au territorialisme moins étrange et irréalisable qu’elle ne peut le sembler au premier abord.


La théorie Panarchiste gagne du terrain; c’est attesté par l’apparition de débats autours du sujet sur la toile (comme par exemple sur les forum de Mises Community, Anarchisme.net, Ron Paul, etc.). Il est important de souligner également que la théorie Panarchiste est sous-entendue dans de nombreux termes plus ou moins synonymes, comme la Polyarchie, la Personarchie, la Kritarchie, la Choicéocratie, le Coexistentialisme, etc.


Avant de conclure ce résumé de l’Histoire de la Panarchie, il faut souligner que cette philosophie a également influencé la pensée sur la Théorie des Systèmes, en apparaissant comme un moyen de résoudre le problème insoluble de la centralisation du pouvoir politique. En 1975, John Gall, professeur à l’université de Michigan, écrivit un excellent petit livre intitulé Systemantics. How systems works and especially how they fail (La Systémantique. Le fonctionnement, et surtout le dysfonctionnement des Systèmes). qui milite pour la mise en place de deux nouvelles libertés:

• la liberté de choisir son territoire (liberté distributionnelle)
• la liberté de choisir son gouvernement (principe de l’indétermination hégémonique).

« Si l’on disposait de la liberté de choisir son territoire, tous les citoyens de tous les pays seraient libres de s’installer où ils le souhaitent. On resterait citoyen du gouvernement que l’on a choisi, celui auquel on paie des impôts et duquel on élit les représentants. Mais pourtant, la liberté de choisir son gouvernement garantirait que l’on puisse à tout moment changer de citoyenneté et passer d’un contrat avec un gouvernement à un engagement auprès d’un autre qui offrirait des taux d’impositions plus intéressants, des retraites plus conséquentes, des fonctionnaires plus compétents, ou tout simplement un agenda politique plus stimulant (la simple politesse exigerait alors un préavis de deux semaines; soit une durée que n’importe quel employeur donnerait à ses salariés). »

John Gall, Systemantics. How systems works and especially how they fail
http://www.panarchy.org/gall/systemantics.html

L’auteur ignorait que la même idée avait été formulée plus d’un siècle auparavant, et par conséquent il n’emploie pas le terme même de Panarchie; cependant, sa proposition s’en approche à la fois par la théorie et par la mise en pratique.


D’autre part, le terme de Panarchie est désormais communément employé par des philosophies environnementales et écologiques, comme par exemple lors de la publication de

Lance H. Gunderson and C. S. Holling, eds. Panarchy. Understanding transformations in human and natural systems (2001)

Cette approche est également présentée et développée dans

Resilience Alliance website
http://www.resalliance.org/panarchy

et dans

Organic Design website
http://www.organicdesign.co.nz/Panarchy


La Panarchie s’accorde aussi remarquablement avec les règles de la logique (les vérités étant perçues comme des énoncés cohérents), la cybernétique (cf. les lois de la pluralité obligatoire), le droit et l’éthique (« vivre honnêtement, ne nuire à personne, donner à chacun ce qui lui est du » - « honeste vivere, neminem laedere, suum cuique tribuvere » - Ulpanius)

Le fait que le même mot et le même concept puissent s’employer dans différents contextes, comme un outil scientifique universel pour faire face à différentes situations, est parfaitement en accord avec la l'idée originaire de de Puydt. En effet, il soutenait que, comme la science est un ensemble de savoirs vrais, valables universellement (« il n’y a pas de vérités qui ne sont vraies que dans certains cas et fausses dans d’autres »), il était possible de transposer dans la sphère politique le laissez-faire employé dans la sphère économique; ce qui lui a donné l’idée des gouvernements concurrentiels qu’il nomma la Panarchie. Le fait que cette proposition soit valide dans divers domaines n’est pas seulement un signe de son efficacité, cela prouve véritablement son exactitude.


Dans le chapitre suivant (Manière de voir), nous nous focaliserons sur le terme de Panarchie, en faisant référence aux choix personnels et aux façons d’organiser la société, en insistant surtout sur les principes et les aspects caractéristiques de la Panarchie, qui font d’elle un outil à la fois performant et polyvalent, pour mener à bien des objectifs théoriques et pratiques.

 


 

Manière de voir (^)

 

Ce qu’est la Panarchie (^)

S’il est nécessaire de bien clarifier ce qu’est la Panarchie, c’est parce cette notion est connue d’un nombre croissant de personnes, et qu’il serait souhaitable de ne pas tomber dans les deux écueils opposés qui semblent surgir dès qu’un concept s’adresse à une large audience.

Ces deux écueils sont les suivants :

• Le dogmatisme : le concept se momifie et devient inamovible, sauf si des grands prêtres en décident autrement après être parvenu à s’en approprier la conception et à la propager à un nombre croissant d’adeptes.
• L’approximation : le concept devient fragile, et il peut être modifié n’importe quand, par n’importe qui, même si cela consiste à y ajouter des idées contradictoires, des formulations irrationnelles, et même, subrepticement, la négation de ses principes fondateurs.

C’est ce qui est arrivé par le passé avec le capitalisme (peu à peu transformé en corporatisme), le socialisme (étouffé par son étatisme), le libéralisme (métamorphosé en dirigisme); et tout cela a pu se produire parce que les prêcheurs du dogmatisme ou de l’approximatif sont parvenus à s’approprier ces termes, et à en manipuler la signification pour servir leurs intérêts personnels.

C’est pourquoi la définition scientifique et l’utilisation exacte d’un mot/concept est un travail sans fin: c’est une constante préservation de son sens premier (de l’étincelle originelle) et une application constante de ce sens à la réalité immédiate (l’effort authentique). Si les mots deviennent biaisés ou si on ne peut plus les employer sans renoncer à leur sens premier, il ne faut plus les utiliser; faute de quoi on aboutirait aux mêmes aberrations qu’avec le corporatisme, le statisme et le dirigisme, qui sont confondus avec le capitalisme, le socialisme et le libéralisme.

Donc, en ce qui concerne la Panarchie, il est souhaitable que ses défenseurs et ses adeptes parviennent à un consensus généralisé, qui aboutirait peut-être à la définition suivante :

• La Panarchie est personnaliste. Le concept d’individu (de « persona ») est un concept fondamental. En effet, la Panarchie veut remplacer « l’ère des masses », caractérisée par la politique et les altercations qui en découlent, opposant des idéologies et des unités antagonistes (les États, les partis, les classes) au sein desquelles l’individu n’est souvent qu’un simple pion, par « l’ère des individus » et de leurs choix spécifiques. Même si ces choix ne sont pas approuvés par tout le monde, ils devraient néanmoins être respectés par chacun, en tant que décisions prises individuellement, et ne concernant que la personne qui les a prises.

• La Panarchie est volontariste. Le fait qu’elle se focalise sur les individus ne signifie aucunement que groupes et communautés soient inutiles, mais seulement qu’ils sont le résultat de choix d’association et de contribution strictement personnels. À l’exception de la cellule familiale (unité justifiée biologiquement), le modèle Panarchiste désapprouve les groupes et les corps collectifs auxquels on est forcé d’adhérer. Le volontarisme va à l’encontre de toute prétention au monopole et repose sur le respect primordial de la volonté de chacun de faire ou de ne pas faire partie d’une communauté, quelle qu’elle soit et où qu’elle soit.

• La Panarchie est universaliste. C’est une théorie d’une grande cohérence, qui peut potentiellement être mise en application partout; et par conséquent elle peut être considérée comme une structure pratique universelle, acceptable et valide partout et pour tous, et dans toutes les situations.

Si l’un de ces trois aspects n’est pas pris en compte, nous pensons qu’il y a une défaillance par rapport à la véritable pensée Panarchiste.

Le plus souvent, ces malentendus naissent d’une incompréhension des principes et de la pratique de la Panarchie par ceux qui n’en ont pas bien saisi le sens et les implications.

C’est pourquoi, afin de mieux comprendre ce qu’est la Panarchie, il est également nécessaire de bien préciser ce qu’elle n’est pas.


Ce que la Panarchie n’est pas (^)

Le premier point qu’il faut constamment avoir à l’esprit, c’est que la Panarchie n’est aucunement une nouvelle philosophie politique. En effet, comme il a été dit précédemment, la Panarchie n’est que la défaite de « l’ère de la politique », caractérisée par la manipulation des masses, et le passage à « l’ère des individus » caractérisée par les choix de chacun.

C’est ce que prouve l’étymologie du mot « politique »: il vient du grec polis qui désigne la cité-État, et était employé à l’origine à propos de l’administration d’un territoire spécifique (la polis). La politique est donc caractérisée par le fait qu’elle a lieu dans un territoire spécifique, avec une domination exclusive (la souveraineté) que certains (les magistrats de la cité, les seigneurs féodaux, l’appareil d’État) ont par rapport à ce territoire spécifique.

Par conséquent, la Panarchie n’a rien à voir avec la politique. Elle surmonte le territorialisme (ou plutôt, elle le remplace), et prône des modes d’organisation sociale indépendants d’un territoire. La Panarchie ne s’est pas inspirée d’une ancienne philosophie politique, mais de théories et de pratiques économiques qu’on appelle le laisser-faire. Même quand le premier concepteur de la Panarchie utilise les termes d’ « économie politique », il veut seulement parler d’économie fondée sur le principe du laisser-faire.

Ce point concernant les malentendus sur les connotations et les fonctions de la Panarchie n’est pas sans rappeler, par bien des aspects, la controverse qui a opposé Marx et les Anarchistes, le premier dans le rôle de défenseur des luttes politiques et de la conquête du pouvoir, les seconds (et tout particulièrement les membres de la Fédération du Jura) ayant déjà prédit l’autoritarisme indissociable de la stratégie marxiste, et militant pour une émancipation individuelle des travailleurs grâce à une réflexion et des actions personnelles, directes, dans tous les domaines de leur vie.
(voir : La circulaire de Sonvilier, sur http://www.panarchy.org/jura/sonvilier.html)

Ceux qui considèrent la Panarchie comme un nouvel outil politique utilisent également le terme de Panarchisme, croyant peut être que cette nouvelle idéologie va remplacer toutes les autres.

Ici, il faut encore une fois être extrêmement clair: la Panarchie n’est pas du tout une idéologie (comme, par exemple, le socialisme ou le communisme), pour la simple raison qu’elle accepte toutes les idéologies pourvu qu’elles soient librement choisies par ceux qui y adhèrent. Pour cette raison, il faut être très prudent avec l’emploi du terme « Panarchisme », qui ne devrait sans doute être utilisé que pour faire référence à

« L’ensemble des connaissances et des pensées en rapport avec des théories et des pratiques liées au volontarisme non-territorial et aux communautés autonomes (Panarchies), considérées comme les alternatives appropriées pour promouvoir la paix, la liberté, la propriété et les réformes, au lieu d'installer ou continuer avec des communautés coercitives, exclusives, uniformes, territorialistes, plus ou moins centralisées, et se disant idéales et se présentant comme les meilleures pour tous, qu'ils soient d'accord ou non ». (John Zube, L’Évangile de la Panarchie, 1986)

Si l’on accepte que la Panarchie n’est en aucun cas une idéologie politique (ancienne ou récente), sa qualification de « mouvement de droits civiques » par un de ses promoteurs (Dwight Johnson) semble assez pertinente. En effet, cette formulation souligne fort à propos le but principal de la Panarchie, qui est que chacun aie le droit civique de choisir librement et volontairement le gouvernement (ou l’autogouvernement) de son choix.


Après avoir évité les malentendus ou les distorsions plus ou moins accidentelles expliquées plus haut (prendre la Panarchie pour une conception politique ou pour une idéologie), chacun devrait être à même de surmonter des erreurs de compréhension mineures comme la réduction de la Panarchie à quelques spécificités, et l’exclusion ou la simplification d’autres aspects.

Pour cela, il est peut-être nécessaire de souligner que la Panarchie n’est pas:

• Une proposition de multi-gouvernementalisme. L’existence de plusieurs gouvernements parallèles et non-territoriaux n’exclut pas l’autogouvernement ou le non-gouvernement. Grâce à la Panarchie, personne n’est obligé de choisir un gouvernement par crainte d’être ostracisé ou d’être qualifié d’excentrique. À cet égard, la situation est similaire à celle de la tolérance religieuse: nul n’est obligé de choisir une religion précise et nul n’est forcé d’avoir la foi.

• Une proposition en faveur de lois personnelles. Certes, la Panarchie milite pour la coexistence sur un seul territoire de plusieurs systèmes juridiques auxquels chacun est libre d’adhérer. Cependant, la Panarchie se base fortement sur des principes universels, développés et affinés au cours des siècles, qui font maintenant partie de la Civilisation Humaine. Sans Principes Universels, implicitement acceptés par chacun, la coexistence de différentes panarchies serait impossible.

• Une proposition pour l’extra-territorialisme. L’extra-territorialisme, comme celui pratiqué par les États-nations (à l’égard notamment des diplomates étrangers), signifie que certaines personnes ou certains groupes reçoivent un traitement spécifique, selon leur statut personnel. La Panarchie, au contraire, ne voit l’extra-territorialisme que comme une première étape vers l’a-territorialisme intégral, c'est-à-dire la fin du monopole de tout pouvoir territorial et de toute prétention à ce pouvoir, partout et pour tous.

Après avoir expliqué, selon ma manière de voir, ce qu’est la Panarchie, ce qu’elle n’est pas et ce à quoi elle ne peut se résumer, il paraît intéressant de se livrer à un exercice théorique afin d’envisager les conditions d’une mise en application, et d’un développement, de la Panarchie.


Comment la Panarchie pourrait-elle percer (^)

Personne ne peut prédire l’avenir et deviner comment les grands changements auront lieu, mais la connaissance du passé peut nous donner quelques indices et nous aider à envisager et à construire notre futur.

L’inventeur de la Panarchie, Paul Emile de Puydt, prend explicitement l’émergence de la tolérance religieuse comme exemple pour introduire la tolérance politique (c’est-à-dire la tolérance envers toutes les idéologies politiques pratiquées librement par leurs défenseurs). Cela aboutira à l’émergence de nombreux gouvernements sur un même territoire, rivalisant pour attirer des adhérents, comme les Églises rivalisent pour attirer des fidèles. Et de la même façon que la tolérance religieuse a mis fin aux guerres de religion et aux persécutions religieuses, la tolérance politique devrait mettre fin aux guerres et aux persécutions générées par des convictions politiques que l’on veut imposer à d’autres. Parallèlement, la tolérance religieuse (défendue par Erasmus, Locke, Voltaire et d’autres) n’était pas supposée être une nouvelle religion. La tolérance politique (la Panarchie) n’est donc pas censée être une nouvelle idéologie politique, comme cela a déjà été souligné.

Mettre en lumière les parallèles entre tolérance religieuse (maintenant considérée dans de nombreuses régions du monde comme un aboutissement inévitable) et tolérance politique (encore totalement ignorée ou considérée comme une proposition étrange et impossible à mettre en pratique) est peut -être une bonne manière d’introduire le doute et la perplexité (les premières fissures) quant à la durée de vie et le bien-fondé du système actuel de l’État-nation qui a le monopole du pouvoir.

De plus, une étude approfondie de l’Histoire permet de découvrir qu’il existe, au sein des croyances religieuses et des traditions culturelles, des idées et des principes oblitérés ou étouffés par les intellectuels au service de l’État, et qui présentent des similarités avec la Panarchie. Porter ces idées au grand jour peut aider à mettre en place un large réseau de sympathisants qui retrouvent leurs propres valeurs dans la Panarchie (tolérance, liberté, ouverture à la pluralité).

En effet, si l’on fait référence aux religions professées par les musulmans, les catholiques et les juifs, on retrouve trois principes fondateurs qui offrent des similitudes avec la Panarchie. Ces trois principes fondateurs sont :

• L’extraterritorialité (musulmane). Dans le monde musulman du Moyen-Âge et même par la suite, on reconnaissait des droits extraterritoriaux à ceux qui ne faisaient pas partie de la communauté musulmane (comme par exemple les marchands nomades). Cela implique l’existence de systèmes de juridiction parallèles sur un même territoire, comme le préconise la Panarchie.

• La subsidiarité (catholique). Il s’agit d’un des préceptes sociaux de l’Église Catholique (réaffirmé par le pape Léon XIII dans son encyclique Rerum Novarum, 1891) qui veut que, pour favoriser le développement de l’être humain, le pouvoir soit toujours détenu par l'autorité compétente plus en bas. Cela va à l’encontre du concept d’État-nation monopolisateur où le pouvoir est souvent centralisé au plus haut de la société.

• L’autonomie personnelle (juive). Les juifs, cosmopolites et disséminés dans de nombreuses régions du monde, ont plaidé à plusieurs reprises pour une autonomie personnelle, c'est-à-dire pour le droit d’organiser leurs vies et leurs communautés selon leurs propres règles et leurs propres traditions. Cette requête, rejetée par l’État-nation monopolisant le pouvoir, et parfois anéantie au moyen de l’extermination de communautés entières, doit aujourd’hui être réactualisée et soumise au public en tant qu’aspiration parfaitement naturelle et légitime.

Si on ajoute à ces trois principes la notion de Solidarité, inhérente à toutes les religions, on dispose alors des fondations théoriques d’une réalité post-étatique et post-territorialiste, dans laquelle de nombreux croyants peuvent se reconnaître et à la laquelle il leur serait facile d’adhérer.

On peut s’appuyer également sur un autre corpus d’idées, celui développé par des libéraux comme Bastiat, Lord Acton, von Mises, Hayek, Rothbard et bien d’autres.

Même si leurs propositions ne vont pas jusqu’au bout du principe de l’a-territorialisme, leur défense constante du laisser-faire a contribué, dans une certaine mesure, à venir à bout du monopole de l’État dans certains secteurs (l’électricité, le téléphone, le gaz), et elle pourrait contribuer à une stratégie visant à l’a-territorialisme. Aujourd’hui, il reste encore à étendre ces théories et ces pratiques de laisser-faire à une plus large échelle, au-delà des frontières nationales ou fédérales (Europe, USA).

C’est un projet fascinant de vouloir libérer les entrepreneurs des structures territoriales qui les entravent, et cette véritable aventure requiert l’attention et l’inventivité d’un grand nombre, tout particulièrement dans la sphère économique; et cela contribue pleinement au développement du libéralisme et de la Panarchie.

La scène des informations et des savoirs mondiaux constitue un autre atout pour l’implantation de la Panarchie. L’avenir semble très prometteur sur ce sujet: les modes de communication territoriaux sont en crise (c’est le cas par exemple de la presse), et les outils non-territoriaux de communication instantanée comme Internet et d’autres gadgets à usage personnel (le téléphone personnel, le lecteur électronique personnel, etc.) sont en plein essor. Dans ce domaine, chacun peut déjà mettre fin au territorialisme en devenant un producteur et un consommateur cosmopolite de cyber-connaissance, en étant limité seulement par sa maîtrise des langues et des formes de communication (c’est-à-dire ses aptitudes en matière de musique, vidéo, dessins animés, littérature ou dessin).

Cela signifie qu’un large réseau d’individus, dont certains ignorent totalement ou partiellement l’existence du concept de Panarchie, va se mettre en place et va permettre l’éclosion de plusieurs communautés panarchistes basées sur divers projets et différentes expériences inspirées par la religion, l’économie, la culture ou autres aspirations.

Le cri de Michael Rozeff, « laissez-moi briser le moule » (Pourquoi je suis Panarchiste, Janvier 2009), a déjà été entendu, et de nombreuses personnes désireuses de s’exprimer sans que tout soit leur imposé tentent déjà, petit à petit, de lui répondre. Une fois que les théories seront plus ciblées, qu’elles seront plus énergiques et les liens entre individus qui partagent ces idées plus étroits, le « moule » (cette frontière physique ou morale qui nous emprisonne encore) disparaîtra.

Le 2 mai 1989, les clôtures de barbelés et de fils électrique qui délimitaient la frontière entre l’Autriche et la Hongrie ont été abattues sur les ordres des individus au pouvoir qui avaient fini par perdre toutes leurs illusions sur l’État communiste. En quelques mois, le mur de Berlin est tombé (9 novembre 1989), et avant la fin de cette année-là, les habitants de l’Europe de l’Est (la RDA, la Hongrie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Bulgarie, la Roumanie) avaient finalement pu « briser le moule ».

Il n’est pas impossible que dans un futur proche, les évènements se succèdent avec la même rapidité qu’en 1989, si nous libérons nos actes et nos idées de toutes vaines contraintes.

Les sciences cognitives ont montré que lorsque l’on cherche à résoudre un problème, la solution s’impose parfois comme une illumination soudaine après la rupture d’un barrage mental, un saut formidable par-dessus les restrictions introduites sans justification rationnelle par ceux qui précédaient à cause de préjugés d’ordre émotionnel et d’idées reçues conventionnelles.

Il serait peut-être temps d’arrêter de parler de la tolérance politique (de la même façon qu’on ne parle pas souvent de la tolérance religieuse) et de commencer à la mettre en pratique, tout naturellement.


Ce que pourraient être les panarchies (^)

Il est possible que, à un premier examen de la Panarchie, à cause soit de préjugés émotifs soit de croyances conventionnelles, on soit poussé à reprocher à cette proposition l’un ou l’autre de ces deux vices fondamentaux :

a) l’uniformité : pour réaliser la Panarchie il faut que tous soient panarchistes ;

b) la fragmentation : la Panarchie va produire plusieurs ghettos habités par des populations identiques.

Pour contrebattre ces critiques il faudrait répondre non seulement de manière spécifique mais on devrait aussi essayer d’imaginer ce que les panarchies pourraient être ou devenir si l’on permettait à la créativité et à l’initiative individuelle de s’exprimer librement.

En traçant le contour de possibles panarchies nous pourrions dégager le champ des deux objections qui dérivent, sans que le gens s’en rendent compte, d’un mode de penser chargé justement d’uniformité et de fragmentation, c’est-à-dire marqué par les deux caractéristiques négatives qu’on attribue à la Panarchie.

a) Uniformité: Tous doivent devenir panarchistes.

Un panarchiste, si nous voulons utiliser ce terme, n’est qu’un individu qui aime faire ses propres choix concernant sa propre vie (selon la réalité de chacun) et qui est convaincu que tous les autres individus aient les mêmes droits. Un panarchiste (ou poliarchiste ou volontariste) n’est jamais un patron tyrannique ni un serveur involontaire, mais juste un individu raisonnable et décent, qui veut agir en liberté et qui aime laisser les autres agir librement.
Si on considère ce propos hors norme, on doit supposer que nous sommes assez proches du risque de modifier l’idée classique concernant l’être humain (c’est-à-dire : une entité vivante libre et responsable) en la remplaçant avec l’image de quelqu’un désagréable et arrogant, qui aime se mêler de tout. Mais personne veut être considéré et associé avec un tel personnage au moins qu’il soit affecté d’une grave pathologie mentale.
Alors, il va de soit que tous nous croyons que ceux qui veulent participer activement à la vie des relations, doivent tous devenir humains - n'importe quel soit le terme utilisé à une époque historique pour les considérer ainsi (par exemple, stoïque, humaniste, illuminé, etc.). Pour cela si l’on reproche aux supporteurs de la Panarchie de prétendre que tous deviennent panarchistes, ce serait comme si l’on reprochait à une personne tolérante et civile de s’attendre à ce que tous agissent d’une manière tolérante et civile, s’abstenant d’imposer aux autres leur volonté.

b) Fragmentation: Les panarchies produiront des ghettos.

La situation actuelle est caractérisée par l’existence de cages nationales ou fédérales plus ou moins imperméables à l’accès de l’extérieur. Le monde occidental, si critique envers le rideau de fer ou le mur de Berlin, a érigé en Europe des murs en ciment ou des barrières de fil de fer électrifiées, créant une forteresse inaccessible aux personnes des autres continents; aux Etats Unis on surveille la frontière du Mexique par une barrière de 500km (Août 2008) qui est en train d’être prolongée; en Israël l’état est occupé à construire un mur qui brise et détruit les communautés palestiniennes.
Il en ressort que, quand quelqu’un affirme que la proposition d’abolir le territorialisme et d’introduire des gouvernements concurrents et politiquement tolérants engendrerait des ghettos, il est légitime de se demander si cet individu sait de quoi il parle; ou peut-être on se réfère justement à la réalité actuelle où existent en effet des états nationaux ressemblants à des cages étouffantes.
Avec la Panarchie il se passerait justement le contraire puisque avec l’abolition des poulaillers nationaux créés par les états monopolistes, les personnes pourraient  - comme dans un passé oublié - bouger, se connecter et se mélanger librement selon leurs désirs et affinités personnelles. Le résultat prévisible serait très vraisemblablement la fin de l’idée de ségrégation et de ghettos qui existent actuellement en tant que effet de l’état territorial monopoliste.

La Panarchie en effet provoquera le développement des trois aspects qui mènent dans une direction totalement contraire aux défauts dont on l’accuse:

- Variété : aucune barrière matérielle empêchant le mouvement et le mélange; cela favorise, au contraire, le cosmopolitisme et le localisme, la dispersion et la concentration, l’homogénéité et l’hétérogénéité selon les désirs de  chacun;

- Originalité : aucune barrière politique à l’expérimentation sociale; cela mène à une réalité variée, riche de projets promus par les individus dans toutes les sphères de la vie ;

- Harmonie : aucune barrière personnelle qui oblige les individus à supporter un pouvoir extérieur extorqueur, et donc aucune raison qui peut être source de rage (pour quelle raison ?) et de rébellion (contre qui ?).

Sur la base de ce qui a été écrit jusqu’ici, il est maintenant possible de faire un essai pour imaginer ce que les panarchies pourraient être ou devenir. 

Il est probable que la majorité d’entre elles ne seraient pas des gouvernements comme ceux d’aujourd’hui, avec un président, un premier ministre, une foule de ministres et bureaucrates à volonté, même si on ne peut pas l’exclure; en tout cas, la différence énorme consisterait dans le fait que les coûts seraient supportés uniquement par ceux qui soutiendraient ce choix. La plupart des panarchies pourraient être des entités intégrées et flexibles en tant que:

- Fournisseurs de services

- Agences de support.

On peut trouver des signaux intéressants à ce sujet, qui pourraient se développer dans le futur, dans l’histoire des sociétés coopératives et de secours mutuel existant en Europe jusqu’à la première guerre mondiale. On retrouve d’autres signes chez des sociologues qui entrevoient un passage à une « économie de support » basée sur des relations de collaboration où l’usager peut choisir parmi des individus et groupes ayant des rôles différents (voir Shoshana Zuboff e James Maxmin, The Support Economy, 2002).

Il pourrait s’avérer qu’une personne soit membre d’une seule panarchie, recevant ou offrant des services/aides, ou de plusieurs, comme pour les membres de plusieurs clubs

En se référant à la réalité actuelle, le fait d’appartenir à une église, n’exclut pas la possibilité de faire partie d’autres organisations.

Et maintenant il faut briser nécessairement une certaine attente (possible mais infondée) qui pourrait surgir dans l’imaginaire de quelqu’un. En effet, même si le concept général de la Panarchie est quelque chose d’extrêmement beau et fertile en résultats, il sera très probable que certaines panarchies deviennent des organisations jugées très négativement par des individus à la pensée différente. Il peut arriver en effet que des personnes désireuses de positions de commande veuillent adhérer à une panarchie afin de devenir guide d’une nouvelle secte. Il est possible que avec l’expansion des communautés volontaires, comme soutenue par la Panarchie, ces individus puissent trouver des supporteurs désirant se soumettre à leur forte personnalité. 

Quand cela arrivera, certains diront que la Panarchie n’est pas meilleure que d’autres formes d’organisation sociale et que, comme tous les autres, elle mène aussi à la tyrannie. Mais ils oublient que l’un des principes fondamentaux de la Panarchie est le volontarisme selon lequel ceux qui entrent librement dans une panarchie (c’est-à-dire une organisation non territoriale et non monopoliste) se soumettant à un chef, sont aussi libres d’en sortir pour adhérer à un type tout à fait différent de panarchie, ou qu’ils pourraient même devenir totalement autonomes (auto-administration).

A ce propos, il est nécessaire de rappeler à ceux qui agitent le drapeau de la liberté comme un objet sacré, au point qu’ils veulent le faire avaler énergiquement à tous, que, malgré l’apparence, l’imposition de la liberté aux autres est un acte réel de tyrannie qui empêcherait l’individu de choisir librement d’être ou non un serviteur. Dans le premier cas on ne pratiquera la liberté que comme farce et on sera toujours assujettis à la peur d’être laissé sans guide. Dans le deuxième cas, le choix autonome de servir permet à la personne d’être réellement libre et sa soumission volontaire pourrait cesser d’un moment à l’autre si elle le décidait.

Le niveau de la liberté d’une panarchie serait déterminé par ses membres et cela ne représente pas uniquement la beauté de ce concept mais est aussi un rappel nécessaire à la réalité. En effet, la Panarchie n’invente pas un monde mythique fait de fées aimables et de monstres égoïstes. La Panarchie a son fondement sur la réalité effective et sur des êtres humains réels; elle permet que chacun ait ce à quoi il aspire.

On pourrait dire que la Panarchie est la réalisation totale de l’aspiration à la tolérance universelle déjà présente dans les idées et les idéaux de l’Illuminisme et concentrée dans l’affirmation de Voltaire.

“Qu’est-ce que la tolérance? c’est l’apanage de l’humanité. Nous sommes tous pétris de faiblesses et d’erreurs; pardonnons-nous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature. » (Dictionnaire Philosophique, Voix: Tolérance, 1765)

 


 

Sommaire (^)

 

La Panarchie est :

- une méthode pour résoudre des problèmes (la voie pour la solution permanente et harmonieuse des conflits) ;

- un standard de vie pour l’individu (la voie pour le choix autonome et direct des décisions) ;

- une pratique dans les relations sociales (la voie pour le choix de faire volontairement partie d’un groupe social).

Au moment où méthode, standard et pratique, par un processus de prise de conscience du sens d'être un être humain, feront partie du patrimoine commun de l’humanité, le mot Panarchie va probablement disparaître. La plupart des êtres humains parviendra donc à la conviction d’être responsable de plein droit de sa vie (et seulement de sa vie) au lieu d’être, de prétendre ou d’accepter que tous soient asservis, contre leur volonté, à un souverain monopoliste, c’est-à-dire à l’état territorial.

Comme précédemment souligné, la solution d’un problème est déterminée non seulement par l’acquisition de connaissances et capacités nouvelles, mais aussi par l’habilité du chercheur d’aller au-delà d’affirmations conventionnelles qui peuvent limiter, sans raisons valides, l’espace de la solution. Une fois éliminées ces restrictions, les blocages mentaux et matériaux qui empêchent la découverte d’une solution vont disparaître aussi.

Ainsi, quand une révolution cognitive réussira à éliminer les restrictions déraisonnables et tout à fait inutiles représentées par le territorialisme et le monopolisme dans l’organisation politique et sociale, la Panarchie pourra devenir une réalité .

C’est pour toutes ces raisons qu’il faut diffuser l’information sur l’existence de la Panarchie ou de conceptions similaires, basées sur la liberté, le volontarisme dans ses propres choix et l’aterritorialisme.

Cette information croissante sera organisée au fur et mesure en formes structurées de connaissance (hypothèses, propositions) qui pourront produire des modèles pratiques et des projets expérimentaux. Si ces derniers ont du succès, on verra apparaître de nouveaux modes de pensée et tout cela favorisera la variété, l’originalité et l’harmonie, pour devenir enfin composante de la sagesse d’une époque, une sagesse mondiale.

Tout cela n’est pas extraordinaire, au contraire, il faut le considérer naturellement humain. Et le fait d’être porteur d’humanité doit être, ou doit devenir, la première tâche et le premier but de tous les êtres humains. 

 


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